No pain, no gain !
Le mythe de Sparte, lié à l'entraînement pour être en forme et avoir une meilleure santé, est tenace.
En effet, la vision dominante dans le domaine de la remise en forme insiste sur l'effort intense. De nombreux coachs, par ailleurs tout à fait talentueux, affirment que si l'on ne termine pas une session d'entraînement épuisé et en sueur, c'est qu'on n'a pas donné le maximum.
On ne peut donc pas espérer de résultat.
Cependant, est-il vraiment nécessaire de toujours souffrir pour avoir des résultats ?
Une connotation négative de l'entraînement
Ce mythe du guerrier qui va jusqu'à la mort pour atteindre ses objectifs est omniprésent. On retrouve cette idée dans des slogans tels que « no pain, no gain » ou « il faut souffrir pour être belle ». Ces expressions véhiculent une vision négative du mouvement et des efforts pour se remettre en forme.
Pourtant, est-ce vraiment nécessaire de s'épuiser à chaque entraînement pour avoir une bonne condition physique ?
N'oublions pas que le but ultime de l'entraînement, pour la plupart d'entre nous, est d'être capable de faire face aux défis de la vie quotidienne, de pouvoir pratiquer ses sports de prédilection et de tenir physiquement dans diverses activités : partir en randonnée avec sa famille, jouer cette partie de tennis imprévue, faire un long tour en vélo, soulever cette lourde valise pour la mettre dans le compartiment...
On s'imagine que pour pouvoir arriver à ce niveau-là, il faut des entraînements qui soient à fond à chaque fois, que c'est ce qui nous permet de progresser.
Mais faut-il juger l'efficacité de l'entraînement à notre épuisement lors d'une séance, ou à ce qu'il nous permet en dehors de celle-ci ?
D'ailleurs, la célèbre citation « seuls les médiocres sont à 100% à chaque fois » met en lumière la vacuité de vouloir toujours être à fond lors des entraînements.
Doser l'effort
Tout dépend évidemment de notre but avec l'entraînement.
Si ton objectif est de progresser sereinement vers la forme durable, il est important d'équilibrer tes efforts et de respecter son corps pour progresser. C'est tout le secret de la continuité du processus d'entraînement, de l'optimisation et de l'ondulation des charges (trois principes fondamentaux de la programmation efficace).
Peut-être que tu vois chaque séance comme un évènement indépendant, dont le seul objectif est de te vider le corps et l'esprit. C'est en soi un objectif tout à fait valable, si c'est le tien et que tu n'as pas de visée à long terme. Dans ce cas, tu peux trouver pléthore de très bons coaches, ailleurs qu'ici, pour t'accompagner sur cette voie.
Efficacité de la session dans le cadre de l'entraînement à long terme
Attention toutefois à ne pas estimer l'efficacité de l'entraînement par rapport à l'état dans lequel on se trouve pendant et à la fin d'une session.
Si cela peut fonctionner à court terme, c'est rarement efficace pas à long terme.
D'ailleurs, ce n'est pas difficile d'épuiser quelqu'un à l'entraînement.
Amène-moi un athlète de haut niveau ou même un membre des forces spéciales et je peux lui faire une session de 5 à 10 minutes qui le laissera sur les rotules, quelle que soit sa condition physique au départ.
Par exemple, je peux lui faire passer le SSST (secret service snatch test) : 10 minutes de snatches avec un kettlebell de 24kg. Objectif : au moins 200 snatches.
J'ai discuté il y a quelques années avec un ancien Navy Seal qui avait passé ce test. Le gars était une vraie armoire à glace, en pleine forme. Son commentaire : "A la fin du SSST, tu as envie de vomir".
Et si c'est trop facile, pas de problème, on prend un kettlebell plus lourd.
Si on veut mettre de la variété, on trouvera bien une série de "complexes" ou de chaines. Mais toujours avec assez peu de repos.
En soi, cet épuisement n'est pas un indicateur d'efficacité de la séance.
On évalue l'efficacité de l'entraînement à ce qu'il nous permet de réaliser en-dehors de l'entraînement : partir en randonnée avec sa famille, jouer cette partie de tennis imprévue, faire un long tour en vélo, soulever cette lourde valise pour la mettre dans le compartiment...
Pour obtenir ces résultats, non seulement il n'est pas nécessaire de s'épuiser à chaque fois, mais j'irais même dire que c'est contre-productif.
Pensons, par exemple, au développement de la force. On ne la développe pas pendant la session, mais en récupération entre les sessions.
Certes, un novice peut pousser à fond à chaque fois. C'est le principe de la progression linéaire qu'on retrouve dans des des programmes pour novices tels que Starting Strength de Mark Rippletoe ou certains programmes pour débutantde Pavel Tsatsouline. Durant cette phase, on ajoute du poids à chaque fois. Toutefois, on reste en réalité à environ 80-85% d'intensité.
Cela semble fonctionner. Mais cette période ne dure pas longtemps. Trois, quatre mois au maximum.
Pour continuer à progresser en force, il faudra ensuite avoir une programmation moins linéaire. Il y aura des sessions très intenses, d'autres moyennes et certaines légères.
Si l'on comprend l'adaptation et la programmation, on réalisera que ces sessions où on ne pousse pas au maximum sont en fait essentielles pour progresser. On ne sera pas toujours à fond. La plupart du temps, on effectuera des mouvements de qualité sans grimacer.
Une fois passée la phase novice, aller proche du maximum devient rare.
En endurance, il en va de même : si l'on pousse constamment à fond, on se situe dans la filière glycolytique. Pour un entraînement sur le long terme, on visera davantage les flilières alactique et aérobie. Pour en savoir plus sur les filières énergétiques, tu peux aller lire l'article dédié (et visionner la vidéo associée).
Dans ces entraînements, on n'est pas épuisé à chaque fois ; au contraire, on arrête notre session après une légère baisse de puissance.
A la fin d'une bonne session alactique/aérobie, on se sentira même bien, revigoré, presque rechargé. A l'opposé de cette sensation d'épuisement souvent recherchée !
On ne sera d'ailleurs pas plus épuisé à la fin de la séance qu'au début. Au contraire, on pourra continuer notre journée en se sentant bien.
Le problème avec le mythe de Sparte, c'est qu'on juge l'efficacité de l'entraînement par rapport à notre état pendant celui-ci, plutôt que par ce qu'il nous permet de réaliser en dehors.
L'entraînement : un processus sur la durée
Le mythe de Spart va à l'encontre de la vision à long terme, en nous poussant toujours à fond, au détriment d'une approche globale efficace.
L'entraînement est un processus continu et durable.
Dans le système Strong Mobility 5-3-4 (5 aspects, 3 dimensions, 4 phases), c'est mis en évidence par la troisième dimension, la Longueur.
Cette dimension insiste sur la durée du processus. Elle signifie qu'on ne cherche pas à s'entraîner sur chaque session indépendamment des autres. Ni même sur une période limitée de 2-3 mois pour un exploit physique à court terme. Non, notre objectif est d'améliorer et de maintenir cette forme sur le long terme. Être un parent actif dès aujourd'hui et un grand-parent en super forme après-demain.
Conclusion
Le mythe de Sparte nous laisse penser que si l'on ne termine pas une séance d'entraînement épuisé, en sueur et en grimaçant, on ne progresse pas.
Cependant, cela n'est pas nécessairement vrai. Cela peut même être contre-productif pour les résultats à long terme.