Le protocole Tabata est un succès dans le monde de la forme. On ne compte plus les sessions Tabata dans les différentes formules.

Ce protocole promet d'améliorer à la fois l'endurance aérobie et la capacité anaérobie, mieux qu'un entraînement purement aérobie. Et cela en seulement 4 minutes par session ! Dans ces conditions, il parait difficile de s'en passer.

Mais est-ce vraiment efficace et adapté à un entraînement hebdomadaire ? Analysons cela.

D'où vient le protocole Tabata ?

Le protocole et ses résultats

Le professeur Tabata a publié, avec son équipe, une étude en 1996 (Effects of moderate-intensity endurance and high-intensity intermittent training on anaerobic capacity and VO2max), montrant qu'un entrainement à haute intensité par intervalles permettait d'obtenir de meilleurs résultats qu'un entraînement classique en endurance.

Le groupe témoin a pratiqué un entraînement à intensité moyenne (70% de sa VO2 max), à raison de 5 entraînements de 60 minutes par semaine. En 6 semaines, il a augmenté sa VO2 max de 53 +/- 5 ml/kg/min à 58 +/- 3 ml/kg+min et n'a pas eu d'évolution notable de sa capacité anaérobie.

Le groupe d'intervention a suivi, 5 fois par semaine, un protocole par intervalle à raison de 20 secondes d'exercices à intensité maximale (environ 170% de VO2 max), puis 10 secondes de récupération, répété 7 à 8 fois. Soit un total d'environ 4 minutes. Une sixième session était consacré à un entrainement à intensité modérée de 30 minutes.

En 6 semaines, ce groupe a augmenté sa VO2 max de 7 ml/kg/min et sa capacité anaérobie de 28%.

Les conclusions de l'étude

Les résultats du groupe d'intervention montrent qu'en environ 50 minutes d'entraînement par semaine, on peut améliorer sa VO2 max autant qu'en 5 heures d'entraînement. Et qu'en plus on améliorerait sa capacité anaérobie !

L'étude parle de capacité aérobie et de capacité anaérobie.

La capacité aérobie est évalué par la VO2 max.  La capacité anaérobie est évaluée par la consommation d'oxygène post-exercice. On pourrait donc discuter de la pertinence de ces indicateurs pour évaluer une amélioration des filières énergétiques, mais nous ne le ferons pas dans cet article.

Diffusion dans le monde de la forme

Avec de tels résultats le protocole Tabata s'est popularisé auprès des professionnels de la forme, puis auprès du grand public.

Une interprétation limitée

Si on fait des recherches sur le protocole et son application, on le voit souvent résumé ainsi : 8 cycles de 20 secondes de travail et 10 secondes de récupération.

Toutefois, et on pourra se reporter aux études originelles pour le vérifier, il ne s'agit pas du protocole tel qu'il a été étudié.

Le bon exercice

Les 20 secondes sont à intensité maximale. Il faut donc trouver un exercice qui permette de pousser la haute intensité en continu pendant 20 secondes. Lors de l'étude, on poussait à 170% de la VO2 max pendant ces 20 secondes. En soi, c'est déjà difficile d'atteindre une telle intensité pour un non-athlète.

Premièrement, il faut un exercice qui permette de tenir un tel effort pendant les 20 secondes. Une activité d'endurance, comme le vélo, est bien plus approprié que des exercices avec des poids, par essence intermittent dans l'effort.

La bonne intensité

Ensuite, même avec le bon exercice, il faut atteindre une haute intensité. C'est rarement le cas. Rappelons que dans l'étude, les athlètes poussaient au maximum et atteignaient environ 170% de la VO2max.

Ce protocole est souvent appliqué par des novices sans une bonne base aérobie, alors qu'il a été conçu pour des sportifs de haut niveau. Un novice ne peut pas déployer suffisamment de puissance. Et il n'a pas la capacité aérobie suffisante pour récupérer suffisamment entre les périodes de travail pour conserver cette capacité de déployer cette puissance. Notons que dans l'étude de Tabata, l'incapacité à générer suffisamment d'intensité marquait la fin de la séance (c'est pour cela qu'il parle de 7 à 8 séries - parfois, l'athlète devait s'arrêter).

Sans une base solide pour la pyramide, il est vain de chercher à augmenter le sommet.

Qui bénéficie du protocole ?

Pour que le protocole soit efficace, il faut déjà l'appliquer correctement. Sinon, on applique un protocole qui est du LIIT, pas du HIIT.

Il faut donc :

  • choisir les bons exercices
  • atteindre l'intensité nécessaire
  • avoir déjà une bonne base aérobie.

Dans l'étude de Tabata, le groupe expérimental a amélioré sa VO2 max et augmenté sa consommation d'oxygène poist-exercice. Il a pu atteindre ce résultat sur une courte période, grâce à leur base solide. 

Les sportifs moins accomplis cherchent souvent à atteindre le sommet avec Tabata sans avoir construit cette base. Ca ne ne fonctionne pas.

Les problèmes surviennent lorsque les conclusions d'une étude sont appliquées sans considérer les conditions et hypothèses.

Pour un athlète de haut niveau ayant besoin d'un affûtage anaérobie et entouré d'une équipe compétente, intégrer le protocole Tabata peut être bénéfique.

Les alternatives

Pour ceux qui n'ont pas cette base et cette équipe, appliquer le protocole Tabata ne fonctionnera pas.

Ce protocole ne remplace pas un entraînement aérobie classique, permettant de construire la base.

Il est de plus focalisé sur la filière énergétique anaérobie glycolytique, plutôt que sur la filière énergétique anaérobie alactique (Créatine-phosphate).

Générer du lactate, ou plutôt l'acide qui va y être corrélé, est acceptable sur le court terme. Quand c'est pratiqué régulièrement et à long terme, cela va à l'encontre d'un entraînement durable.

Le protocole Tabata n'est pas une solution pour remplacer un entraînement sur la durée.

Pour un entrainement pérenne, on peut inverser le protocole : 10 secondes de travail intense (en utilisant ainsi la filière énergétique alactique plutôt que glycolitique), puis 20 secondes de récupération. Cela permet de générer moins de lactate et d'acide, et de mieux récupérer.

Conclusion

Le protocole Tabata n'est pas la solution miracle pour remplacer tous les entraînements d'endurance.

Il est souvent mal appliqué, avec le mauvais exercice, et à trop basse intensité. De plus, il est inefficace lorsque l'athlète n'a pas déjà construit une bonne base aérobie.

Dans le cadre d'un entraînement sur la durée, il est préférable de développer cette base aérobie, puis de privilégier des protocoles avec des périodes de travail plus courtes et des périodes de récupération plus longues.

Ressources

L'étude originelle : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8897392/

En complément, par tabata lui-même : https://jps.biomedcentral.com/articles/10.1007/s12576-019-00676-7

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About the author 

Jean-Francois Lopez

Jean-François "jef" Lopez accompagne depuis 2016 des cadres et dirigeants occupés sur le chemin de la forme durable.
Ancien sportif autour de la vingtaine, devenu gros, faible et complètement hors de forme autour de la trentaine, Jean-François a décidé de réagir et de retrouver la forme.
Lors de cette quête, il a été amené à changer son approche de la remise en forme.
De nombreuses rencontres avec les meilleurs instructeurs de la planète, dont Pavel Tsatsouline, l'ont en effet convaincu que le paradigme de la souffrance et de l'effort démesuré n'était pas le plus adapté pour durer. C'est comme cela qu'est né le concept de "forme durable".
En plus de son expérience personnelle, Il se forme continuellement, et est ainsi devenu instructeur certifié StrongFirst Elite (SFG2, SFB, SFL), spécialiste du mouvement fonctionnel et de la souplesse (FMS2, FCS, YBT, Flexible steel niveau 2), expert en respiration (instructeur avancé Oxygen advantage, praticien Buteyko) et coach en nutrition (PN).
Il est également détenteur d'une certification d'entraîneur personnel (ACE-PT, accrédité par la NCCA) et inscrit au registre européen des professionnels du sport EREPS.

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