Comment notre corps fait-il pour générer de l'énergie ?
Nous allons aborder les filières énergétiques et leur influence sur notre manière de nous entraîner.
Ça peut paraître un peu compliqué et théorique, pas forcément indispensable pour s'entraîner. Pourtant, comprendre succinctement quelles sont les différentes filières énergétiques, comment notre corps se débrouille pour nous fournir de l'énergie, cela va influencer la manière dont nous allons programmer notre entraînement, en particulier pour l'entraînement des Endurances.
Le besoin d'énergie de notre corps
Notre corps a besoin d'énergie pour fonctionner. En ce qui nous concerne, dans le cas de l'entraînement, cela concerne plus particulièrement la contraction et la relaxation des muscles, indispensables aux mouvements, que ce soit pour la course, le soulèvement de charges ou même tout simplement la respiration.
Cette énergie est stockée dans le corps, principalement sous forme de graisse à long terme, mais aussi sous des formes plus facilement mobilisables comme le glycogène ou les sucres et lipides sanguins. Cette façon de stocker l'énergie a toutefois un inconvénient : elle n'est pas directement utilisable.
L'ATP, la monnaie énergétique
Pour pouvoir utiliser cette énergie stockée, le corps doit d'abord la transformer en une monnaie énergétique liquide : c'est l'ATP (adénosine triphosphate), immédiatement exploitable. Nous avons en permanence un petit stock d'ATP disponible au niveau cellulaire, mais celui-ci s'épuise extrêmement rapidement, obligeant le corps à le renouveler en permanence.
Les différentes filières énergétiques
C'est ici qu'interviennent les différentes filières énergétique. Elles transforment l'énergie stockée en ATP selon des processus distincts. Lors d'un effort, l'ATP disponible est utilisé. Mais comme il est en quantités très limitée, cela ne dure que très brièvement. L'ATP est utilisé par les mitochondries pour générer de l'énergie. A la fin de la réaction, de l'ADP (Adénosine diphospahate) est récupérée.
La filière alactique
Le système alactique prend rapidement le relais. Il régénère l'ATP à partir de l'ADP et de la créatine phosphate. Bien qu'extrêmement rapide, ce système possède des réserves limitées de Créatine phosphate qui s'épuisent en quelques secondes seulement, et il faut un certain temps pour reconstituer cette réserve.
La filière glycolytique
Entre 10 et 30 secondes d'effort intense, c'est la filière glycolytique anaérobie, basée sur la transformation du glycogène en ATP, qui devient prédominante. Ici, les réactions chimiques deviennent plus compliquées, nous ne rentrerons pas dans le détail. Ce système est dominant généralement jusqu'à environ deux minutes d'effort soutenu.
Moins rapide que la filière alactique, elle possède des réserves un peu plus importantes. Elle génère divers sous-produits comme le lactate et l'acide. Cette sensation de brûlure que l'on ressent lors d'un effort intense est directement lié à ces produits. Ils ne sont pas mauvais en soi. C'est leur accumulation et l'incapacité du corps à les transformer suffisamment rapidement qui pose un souci.
La filière aérobie
Au-delà de 2 minutes d'effort, le système aérobie prend le relais en devenant dominant. Bien que lent, ce système est capable de fournir de l'énergie sur une très longue durée grâce à ses réserves quasiment infinies. Il est également très efficace, produisant beaucoup d'ATP par unité d'énergie stockée.
Le fonctionnement conjoint des filières
Même si je présente des bornes assez précises (30 secondes, 2 minutes...), ces trois filières fonctionnent en réalité conjointement. Ce qui se passe, c'est que l'une d'entre elles devient prédominante selon l'intensité et la durée de l'effort.
Optimiser son entraînement grâce aux filières
L'approche anti-glycolitique
Pour un entraînement optimal sur la durée, l'idéal est de favoriser le développement des systèmes alactique et aérobie, tout en limitant le recours au système glycolytique générateur d'acide lactique.
On a vu que l'accumulation de lactate et d'acide et l'incapacité du corps à en disposer rapidement va à l'encontre de la performance. Cela rend la récupération également plus longue. Nous pourrions rentrer dans les détails biochimiques pour expliquer tout cela... mais ce n'est pas nécessaire.
Pour cela, je vais emprunter cette analogie à mes confrères américains du site Climb Strong, telle qu'ils l'ont présentée dans une vidéo YouTube. Je trouve cette analogie très parlante.
Deux tours et un filin
Une analogie imagée consiste à représenter les systèmes alactique et aérobie comme deux tours reliées par un filin intermédiaire, le système glycolytique.
A gauche, la tour de la filière alactique. A droite, celle de la filière aérobie.
Entre les deux, le filin représente la filière glycolitique. Note que ce filin n'est pas tendu. C'est la situation normale lorsque nous ne sommes pas particulièrement entraîné.
L'entraînement classique de beaucoup de monde va se focaliser sur la filière glycolitique.
L'idée est souvent de s'entraîner dur, d'avoir l'impression d'avoir fourni un maximum d'effort, pour forcer le corps à s'adapter : c'est le principe de la surcompensation. Si on pousse à nos limites, le corps se régénère, avec une petite marge, une légère amélioration, pour rendre cet effort plus supportable la fois suivante.
C'est pour cela que la plupart des entraînements en endurance ressemble à du pseudo-HIIT. Ce n'est pas de la très basse intensité, qui serait idéale pour travailler notre système aérobie, mais pas non plus de la vraie haute intensité (j'appelle ça du LIIT, comme j'en parlais dans un autre article). Dans une intensité moyenne, ni le système alactique, ni le système aérobie, ne sont vraiment mobilisés.
En pratique, cet entraînement, très répandu, va améliorer la filière glycolitique. Malheureusement, les adaptations de la filière glycolitique sont vite maximisées à court terme. Cela est du à a nature des adaptations. Pour reprendre l'image de nos deux tours, cela revient à tendre le filin entre les deux tours.
L'entraînement est vite efficace : ce filin se tend très vite. Malheureusement, une fois tendu, ce filin ne peut pas aller plus haut, car les tours alactique et aérobie sont toujours à la même hauteur. L'entraînement ne produit plus d'effets positifs. Au contraire, continuer comme cela amène de la fatigue, des difficultés de récupération, voire la blessure.
Favoriser alactique et aérobie
Sur une longue durée, en accord avec l'approhe Strong mobility 5-3-4, nous voulons augmenter la taille des deux tours. Pour cela, nous nous entraînons spécifiquement dans ces deux zones.
L'entraînement est plus plaisant, car on ne s'épuise pas autant qu'avec un entraînement glycolitique, la récupération est plus facile, et on a en général plus d'énergie en fin de session qu'au début !
Surtout, les adaptations sont structurelles. Disons, sans rentrer encore dans les détails, que cela génère de nouvelles mitochondries et améliore le fonctionnement de celles qui existent déjà.
Dans notre analogie, cela revient à augmenter la taille des tours alactique et aérobie. D'une manière intéressante, même si la filière glycolitique n'est jamais entraînée directement, elle s'améliore mécaniquement : le filin n'est toujours pas tendu, mais il monte en même temps que les deux tours !
Mise en pratique
Comment mettre en place ce type d'entraînement ?
En pratique, cela se traduit par exemple par des séances entrecoupant des efforts (très) intenses de quelques secondes exploitant le système alactique, et des phases de récupération aérobie plus longues. En réduisant la durée de l'effort et en allongeant la durée de récupération, on aboutit à plusieurs bénéfices :
- l'effort intense initial exploite la filière alactique
- l'effort suffisamment court évite de trop exploiter la filière glycolitique --> le lactate ne s'accumule pas
- la récupération plus longue est principalement aérobie
- chaque série peut être suffisamment intense, car la récupération est presque complète.
Pour un programme bien mené, l'idéal est d'augmenter spécifiquement la tour aérobie en ciblant cette filière spécifiquement. Le mieux pour cela est une activité à basse intensité d'une certaine durée : de la coruse en dessous du seuil aérobie (on arrive à parler en courant sans problème), du vélo dans les mêmes conditions, ou mon préféré, car applicable par presque tout le monde : la marche.
A l'approche d'une compétition, qui fera probablement usage de la filière glycolitique, il peut devenir important de pouvoir supporter le bain d'acide. On peut donc tendre le filin. La bonne nouvelle est que cela peut être fait rapidement. Deux semaines sont souvent suffisantes.
Exemples d'entraînement anti-glycolitique
Prenons un type d'entraînement souvent suivi, le Tabata, typiquement glycolitique. Même si, en pratique, peu de gens suivent réellement le protocole tel qu'il a été décrit (voir mon article sur ce fameux protocole Tabata), nous allons suivre la logique : 8 séries de 20 secondes d'effort et 10 secondes de récupération.
En 20 secondes, la filière glycolitique commence à être dominante. Avec seulement 10 secondes de récup, la filière alactique n'a pas reconstitué ses stocks. Plus la séance avance, plus on est dans le glycolitique. On le sent bien : chaque série est de moins en moins puissante, et on sent la brûlure augmenter au fur et à mesure !
Imaginons une inversion du protocole. 10 secondes d'effort au lieu de 20. La filière alactique sera encore dominante. La récupération de 20 secondes est courte, mais permet de reconstituer une partie des stocks pour la filière alactique. La série suivante est puissante. Si nécessaire, pour garder le même volume de travail, nous pouvons doubler les séries (ça nous fera 8 minutes au lieu de 4, rien de dramatique). Le protocole est très similaire, mais favorise une adaptation structurelle qui va améliorer le fonctionnement de la filière alactique.
Conclusion
L'entraînement est un processus. Il ne se résume pas à la session. Si tu comprends le fonctionnement des filières énergétiques (même succinctement, avec l'analogie des tours et du filin), tu peux organiser ton entraînement pour progresser sur la durée, au-delà des premières semaines.
En te focalisant sur les filières alactiques et aérobie, tu augmenteras tes capacités tant à générer beaucoup de puissance de manière répétée qu'à récupérer optimalement en aérobie.
Le jour où tu sauras que tu as besoin de pousser dans les tours en glycolitique pour une compétition, il te suffira d'adapter ton entraînement pendant deux à trois semaines pour tendre le filin.