Le Cheat meal, ce festin hebdomadaire qui nous permet de tromper le corps et nous faire continuer à progresser avec notre régime, est ce une bonne idée ou pas ?

Histoire récente du Cheat meal

J'ai entendu parler pour la première fois du Cheat meal autour des années 2005 à 2010, par certains gourous du fitness américains dont l'objectif principal était esthétique. Leur principale préoccupation était d'avoir des abdominaux saillants.

Pour avoir des abdominaux saillants, il faut bien sur s'entraîner pour avoir ces abdominaux, mais il faut surtout avoir un taux de gras extrêmement faible.

Le Cheat meal est une des stratégies qu'ils ont commencé à employer dans l'idée de tromper leur corps.

En fait, lorsqu'on reste un peu trop dans une période de privation alimentaire, le corps va naturellement chercher à se protéger. Il va s'attacher à garder autant que possible le gras. Il interprète la situation comme une période de disette et veut conserver l'énergie le plus longtemps possible.

Tous ceux qui ont suivi un régime le savent, ça devient de plus en plus difficile de perdre du gras. Quand on démarre, on a beaucoup de réserves. Au début, on perd très vite. Puis de moins en moins, jusqu'à ne plus rien perdre du tout.

L'idée de ces gourous, c'était qu'en introduisant un repas excessif dans la semaine, un festin, on envoyait un signal au corps en lui disant : "Ce n'est pas la disette, au contraire, nous avons de l'abondance, pas de problème, tu peux continuer à perdre du gras".

Ils ont appliqué cette méthode, avec succès (pour eux).

Oui, mais il s'agissait là de personnes qui étaient déjà extrêmement minces ! Ils n'avaient pas vraiment besoin de stratégie pour avoir des abdos saillants, ils les avaient déjà. Ils était déjà là où ils voulaient être avant de mettre en place le Cheat meal, donc c'est pas non plus ce qui leur a permis d'arriver jusque-là.

Ensuite, quand on regardait leur Cheat meal...

Les repas typiques qu'ils avaient en semaine, c'était des repas souvent très stricts, très contrôlés, au plus fin détail.

En comparaison, ce qui apparaissait pour eux comme un Cheat meal ressemblait en gros à ce que je mange tous les soirs. Leur repas de festin (pour eux), c'était un repas normal (pour moi). Les gourous qui ont promu cette approche sont des cas un petit peu à part.

Le problème, c'est quand c'est arrivé dans le grand public.

De plus en plus de gens se sont dit : "Je suis mon régime tous les jours et un jour de la semaine, ce sera le festin. Je pourrai me lâcher et ça va changer ma configuration hormonale et signaler à mon corps qu'il y a suffisamment de nourriture et qu'il peut continuer à perdre du gras".

Le problème arrive quand on prête un peu attention à leurs repas. Les Cheat meals adoptés par le grand public, ce sont des tables remplies parts de pizza, des hamburgers, beaucoup de quantité, et surtout de la junk food. Rarement de la nourriture de qualité. Il suffit d'aller suivre le hastag #cheatmeal sur facebook ou Instagram...

On arrive ainsi à la situation où des gens se retrouvent pendant plusieurs jours de la semaine à se priver, à avoir un régime vraiment strict pas particulièrement plaisant et une fois dans la semaine, un repas exagérément gras, avec beaucoup de glucides, des produits très transformés en grande quantité.

On a donc d'un coté une une pratique stricte et assez déplaisante dans la semaine, et d'autre part un repas ) faire pâlir d'horreur un nutritionniste une fois dans la semaine. On a une opposition radicale entre les deux.

Le premier problème, c'est qu'on est en train de créer une situation pathologique. On aboutit à ce qu'on appelle du binge eating : on se gave de tout et de n'importe quoi en très peu de temps. Ce n'est pas exactement une approche très bonne pour la santé, que ce soit la santé physique ou la santé mentale.

Ensuite se pose la question : est-ce que c'est vraiment efficace ?

Il y a la théorie de la manipulation hormonale. Il est vrai qu'à chaque fois qu'on va apporter suffisamment de nourriture, il y a une réaction du corps qui se dit : "oh, il y a de l'abondance, donc je peux me permettre d'utiliser ce que j'ai en réserve." Si on est au contraire dans une période de contrôle strict, on va fortement baisser les calories, mais le corps réagit en réduisant ses besoins pour conserver un maximum d'énergie. Avoir de temps en temps un niveau de nourriture plus élevé pourrait contrebalancer ça.

Mais qu'en est-il quand on regarde un petit peu plus dans les détails

Avec l'approche populaire, la baisse calorique moyenne dans la semaine ne compense pas l'apport calorique énorme du weekend. La balance énergétique hebdomadaire globale ne va pas forcément dans le bon sens. Si on regarde à la semaine, c'est quand même la balance énergétique qui compte : si on amène plus de calories et qu'on compense le samedi, tout ce qu'on a économisé dans la semaine n'a servi à rien ! On a un niveau de calories cumulé à la semaine qui ne permet pas de perdre du poids. C'est la thermodynamique, c'est physique, c'est comme ça.

Ensuite, on va avoir toute la semaine des repas qui ne sont pas particulièrement conseillés d'un point de vue santé. Ils vont être privatifs. On va probablement manquer d'un certain nombre d'apport alimentaire nécessaire en terme de macro-aliments, micro-élements, phyto-éléments (vitamines, etc). Et on va arriver avec un repas de très mauvaise qualité le week-end.

On mange donc en-dessous de son besoin en n'ayant pas les apports qu'il faut dans la semaine pour arriver le week-end où on mange beaucoup plus, mais avec des produits qui ne sont pas de bonne qualité et qui ne nous apportent pas ces apports nutritionnels.

Au final, on se retrouve avec un apport calorique sur la semaine trop élevé, et à aucun moment de la semaine on ne va avoir un apport suffisant en nutriments de qualité.

Le troisième problème est psychologique.

On va se priver dans la semaine avec la perspective d'une récompense le week-end. En soi, c'est une très bonne approche d'avoir une récompense pour un comportement valable adopté dans la semaine. Que ce soit la motivation positive, avec la perspective d'une récompense, ou la motivation négative, avec la perspective d'éviter une punition, nous savons que ça fonctionne ! Toutefois, ici, nous adoptons une approche privative au niveau nutritionnel en semaine, pour avoir une récompense qui correspond exactement à ce qu'on veut éviter le week-end !

C'est un peu comme si on se disait : "ça fait trois mois que j'ai arrêté de fumer, je vais acheter un paquet de cigarettes pour me récompenser". On ne va pas se récompenser avec ce qu'on veut éviter !

En regardant tous ces problèmes, on se rend compte qu'on est en train de développer une mauvaise approche de la nutrition.

En fait, le souci sous-jacent, c'est qu'on a eu une approche utilitaire de la nutrition. On a vu la nutrition comme un apport d'énergie, un apport de briques de construction pour le corps, sans jamais tenir compte de l'aspect plaisir.

C'est pour ça que plutôt que d'aller faire un Cheal meal, je préfère une approche 80/20.

C'est l'approche favorisée par Precision nutriton. C'est aussi l'approche que j'avais lue dans un entretien, il y a déjà plus de 25 ans, bien avant même les années 2000, de Dominique Valéra, le très célèbre pionnier du karaté et de la boxe pieds poings en France, toujours très en forme à son âge. Il disait mangert correctement dans la semaine, sans excès. Il avait des repas classiques, typiquement un morceau de viande ou de poisson avec des légumes en quantité normale, sans se prendre la tête, mais en faisant quand même un petit peu attention. Par contre, le week-end, il ne disait jamais non à un bon cassoulet ou de la choucroute avec ses amis, si l'occasion se présentait.

On retrouve là un petit peu le schéma qu'on a avec ce Cheat meal, mais avec des différences fondamentales.

Le Cheat meal apparait dans un contexte où on se prive dans la semaine.

Dans l'exemple que je viens de te donner, on ne se prive pas, on mange. On fait un petit peu attention, certes, mais on ne se prive pas. On mange bien, c'est agréable, c'est bon, c'est nourrissant, c'est plaisant, ça peut être gastronomique. Et le week-end, on ne va pas chercher à forcément manger plus et à compenser. On va juste s'autoriser à avoir un repas un peu plus abondant qu'on partage avec ses amis, avec sa famille, si l'occasion se présente. Il ne s'agit pas de se gaver. Il s'agit juste de se dire qu'on peut se permettre un petit peu d'écart parce que 80% du temps on mange bien.

Ce que je n'aime pas avec l'approche du Cheat meal, c'est qu'en fait, on s'impose un excès, le Cheat meal pour compenser un autre excès, la privation.

Une approche plus saine,  auc'est d'avoir une approche nutritionnelle raisonnable la plupart du temps,  basée sur des habitudes alimentaires qu'on améliore petit à petit au fur et à mesure. 80% du temps, on fait à peu près bien. On peut alors se permettre 20% du temps d'avoir un peu d'écart sans trop se prendre la tête. En fait, on va toujours favoriser le plaisir nutritionnel.

Le Cheat meal, c'est l'exact opposé. On se prive dans la semaine pour aller faire n'importe quoi le week-end !

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About the author 

jef

Jean-François "jef" Lopez accompagne depuis 2016 des cadres et dirigeants occupés sur le chemin de la forme durable.
Ancien sportif autour de la vingtaine, devenu gros, faible et complètement hors de forme autour de la trentaine, Jean-François a décidé de réagir et de retrouver la forme.
Lors de cette quête, il a été amené à changer son approche de la remise en forme.
De nombreuses rencontres avec les meilleurs instructeurs de la planète, dont Pavel Tsatsouline, l'ont en effet convaincu que le paradigme de la souffrance et de l'effort démesuré n'était pas le plus adapté pour durer. C'est comme cela qu'est né le concept de "forme durable".
En plus de son expérience personnelle, Il se forme continuellement, et est ainsi devenu instructeur certifié StrongFirst Elite (SFG2, SFB, SFL), spécialiste du mouvement fonctionnel et de la souplesse (FMS2, FCS, YBT, Flexible steel niveau 2), expert en respiration (instructeur avancé Oxygen advantage, praticien Buteyko) et coach en nutrition (PN).
Il est également détenteur d'une certification d'entraîneur personnel (ACE-PT, accrédité par la NCCA) et inscrit au registre européen des professionnels du sport EREPS.

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