Le jeûne intermittent - solution miracle ou arnaque de plus ?

Le jeûne intermittent est à la mode. Tout le monde s'y met.

Mes premières expositions à ce qu'on appelait alors "Intermittent fasting" (IF) dans le milieu très anglophone du fitness datent des années 2007-2008.

A l'époque, deux ouvrages ont popularisé le jeûne.

Il y avait d'abord The warrior diet, de Ori Hofmekler. Il appelle à modifier la structure des repas quotidiens, avec une période de sous-alimentation (et non de jeûne complet) et une période de sur-alimentation. L'idée, ici, c'est de se nourrir comme se nourrissaient probablement les soldats et légionnaires de l'antiquité, qui avaient un large repas le soir, et ne pouvaient guère que grignoter dans la journée.

Il y avait ensuite Eat stop eat, de Brad Pilon. Le principe est simple : arrêter de manger une ou deux journées par semaine, et manger normalement le reste du temps.

Définir le jeûne intermittent

Le jeûne n'est pas une notion nouvelle. De tout temps, l'humanité a jeûné, que ce soit lié à une pratique religieuse, culturelle ou de santé.

Mais qu'est-ce que jeûner ? C,'est ne pas manger.

D'ailleurs, comment s'appelle le premier repas de la journée ? Le déjeuner, l'arrêt du jeûne.

Toutefois, lorsqu'on parle de jeûne, cela suppose une durée conséquente pendant laquelle on ne mange pas. On devrait compter en jours, voire dans des cas vraiment extrêmes, en semaines. L'aspect durée est le premier élément qui permet de qualifier un jeûne.

De ce point de vue-là, le jeûne intermittent n'est pas un jeûne, car la durée sans manger est beaucoup trop courte. On devrait trouver un autre nom. Mais pour simplifier, je vais moi aussi utiliser l'abus de langage "jeûne intermittent" dans cet article.

Ensuite, il y a l'aspect strict du jeûne : arrêter complètement de manger ? Se limiter à quelques aliments de survie ? Ne boire que de l'eau ? Voire ne pas boire du tout ? Je ne vais pas être trop strict non plus, car certaines formes de jeûne intermittent ne sont pas aussi exigeantes...

...et au final, ce qui nous intéresse, ce n'est pas d'être strict dans la forme et la durée du jeûne, mais d'obtenir certains résultats !

Jeûne intermittent et remise en forme

Si le jeûne intermittent est maintenant présenté à toutes les sauces pour ces vertus supposées sur la ligne (il suffit de voir le nombre de sites dédiés à cette thématique), il n'a vraiment commencé à être connu dans le domaine de la remise en forme qu'au début des années 2000.

A l'époque, deux livres sont sortis, en anglais, présentant deux approches différentes du jeûne intermittent. Ils ont rapidement eu beaucoup de succès dans le milieu du fitness américain, et ont fini par être également lu chez nous, en Europe. Il s'agit, comme mentionné en introduction,  The warrior diet, de Ori Hofmekler et  Eat stop eat, de Brad Pilon

L'introduction du jeûne intermittent au grand public est un peu plus tardive, jusqu'à la situation actuelle où c'est quelque chose de très connu. Toutefois, ce que je trouve intéressant, c'est que bien peu des gourous du jeûne intermittent parlent de ses origines dans le milieu de la remise en forme, à travers les deux ouvrages que je vais rapidement présenter ici.

Le régime du guerrier : the warrior diet

The warrior diet est un livre écrit par Ori Hofmekler en 2001. Il est important de noter qu'Ori ne prétend pas que le régime qu'il présente est basé sur la science et des études. Il présente une théorie sur la manière de manger de nos ancêtres et invite à suivre cette façon de faire, considérant que c'est la meilleure pour notre santé et nos performances. C'est donc une approche originellement basée sur ses croyances et ses observations, pas sur des études publiées.

Il ne s'agit pas non à strictement parler de jeûne.

Ce qu'Ori théorise, c'est qu'autrefois, les guerriers en déplacement ne pouvait pas s'arrêter pour avoir trois repas par jour. Si on imagine une légion romaine, elle levait le camp le matin, marchait toute la journée, contruisait un camp le soir, puis prenait un grand festin. Dans la journée, le guerrier devait se contenter de grignoter.

Ainsi, le régime du guerrier consiste à avoir une période de sous-alimentation, pendant laquelle on ne s'installe pas pour prendre un repas complet, mais pendant laquelle on peut quand même grignoter, et une période de sur-alimentation. Cela revient en fait en pratique à prendre tous nos repas en une seule fois, tout en grignotant éventuellement pendant le déplacement.

Un autre point souvent ignoré du régime du guerrier est l'organisation du repas. Ori suggère un ordre stratégique, qui incite à être rassasié avant de s'être gavé. Pour se rattacher à nos coutumes culinaires françaises, c'est un peu comme l'assiette de crudités en entrée, très peu calorique mais qui remplit l'estomac.

Au final, l'idée générale est de toujours manger la même quantité de nourriture, de la nourriture de qualité, mais concentré sur un repas en fin de journée plutôt que réparti toute la journée.

Eat-Stop-Eat : manger, arrêter, manger

Eat stop eat est un livre écrit par Brad Pilon, publié en 2007.

L'approche est différente de celle  d'Ori dans la mesure où il va ne pas s'occuper de la manière dont on mange dans une journée normale, le nombre de repas, s'il y a un petit déjeuner, un dîner ou pas.

Pendant 5 à 6 jours de la semaine, nous sommes invités à manger comme nous en avons l'habitude, avec plusieurs repas quotidiens. Il est conseillé de manger de la nourriture de qualité, bien sur, mais sans rentrer dans les détails.

Une à deux fois par semaine, toutefois, il faut arrêter de manger complètement. Il ne s'agit pas de sous-alimentaion, mais bel et bien d'un arrêt total. Le pratiquant est tout de même invité à boire de l'eau...

Les risques du jeûne intermittent

Alors maintenant que nous avons vue ces deux approches différentes, nous pouvons nous poser la question, le jeûne intermittent, est-ce que ce n'est pas dangereux ?

Perte de masse musculaire

C'est la raison pour laquelle beaucoup n'envisagent pas le jeûne, fut-il intermittent ou non. Certains prétendent qu'après quelques heures sans manger, le corps passe en mode catabolique, c'est à dire qu'il va puiser sur ses réserves pour survivre. Seulement voilà, il ne puiserait pas sur les graisses, mais sur les muscles, car il va conserver les graisses à fort pouvoir énergétique au cas où. Jeûner serait donc mauvais car cela entraîne une perte de masse sèche, ces muscles si durement acquis. D'ailleurs, une méthode de nutrition en vogue dans le milieu du culturisme, c'est d'avoir un maximum de petits repas toute la journée.

Soyons clairs : si vous avez une période de jeûne limitée (même jusqu'à deux ou trois jours), et que vous continuez à utiliser vos muscles, ils ne partiront pas comme ça ! Le corps a beaucoup de réserve et peut tenir très longtemps sans nourriture. Une personne normale mince aura autour de 10 à 15% de graisse, et c'est bien plus qu'il n'en faut pour tenir très longtemps ! Descendre à des niveaux très bas (2 ou 3% pour un homme), où le risque de catabolisme pourrait peut-être exister au-delà de quelques jours, est exceptionnel. C'est le niveau des culturistes en période de compétition.

Perdre de la masse sèche lors d'un jeûne court n'est pas un motif d'inquiétude pour la plupart d'entre nous.

La perte d'énergie

C'est un argument que j'entends plus souvent. Lorsque j'explique que je ne mange généralement pas le midi, certains me regardent avec des yeux ronds, en expliquant que ça serait impossible pour eux. Il leur faut manger matin, midi, et soir, et parfois plus. S'ils ne mangent pas, ils ont faim, n'ont plus d'énergie, entrent en hypo-glycémie (selon leurs dires). C'est donc une situation à éviter à tout prix.

Nous sommes tous différents, donc il ne peut pas y avoir de réponse absolue.

Cependant, je vous invite à vous demander si vous perdez de l'énergie parce que vous  avez été conditionné à penser qu'il fallait absolument manger pour toujours garder un certain niveau. Si nous ressentons un manque d'énergie, c'est parfois aussi parce que nous avons pris l'habitude de prendre des pics de glucides à certains moments, justement, pour vous donner un coup de boost. Mais un pic annonce une chute derrière,  donc un manque d'énergie. On rentre dans un cercle vicieux qui nous amène à consommer des glucides pour un nouveau pic...

Je le comprends, je suis passé par là, moi aussi. Je pensais qu'il fallait au moins trois repas par jour pour tenir, et même de préférence y ajouter un goûter. Je pensais aussi que le corps avait besoin d'accumuler de l'énergie avant une activité physique intense. Mais les circonstances ont fait que j'ai du pratiquer des activités physiques intenses sans pouvoir me sustenter auparavant : séance d'arts martiaux le soir AVANT de dîner, jogging le matin au réveil, sans avoir pris de petit déjeuner, etc.

Et là, surprise ! Non seulement, je n'étais pas en "hypo-glycémie", je ne manquais pas d'énergie, mais je me sentais même mieux.

Et fait, en apprenant à se reconnecter à notre corps, à nos sensations, nous  pouvons  nous réhabituer à fonctionner normalement, avec les réserves que nous avons. Avec déjà tout le glycogène que nous avons stocké dans nos cellules, avec toute la graisse que nous avons dans le corps la perte d'énergie n'est pas une réelle crainte à avoir, parce que nous avons suffisamment d'énergie pour tenir très longtemps avec les réserves que nous avons.

Nous pourrions tenir des semaines sans manger. Evidemment, cela aurait des conséquences, nous serions dans un vrai jeûne avec une forte perte de masse, y compris musculaire.

Mais pour des périodes courtes, rien qu'avec la réserve de glycogène, donc de molécules déjà prêtes à aller vers la conversion d'énergie, nous avons de quoi tenir largement sans problème une journée.

Plus que le jeûne intermittent, ce qui va nous faire perdre de l'énergie, c'est plutôt la manière, les types d'aliments que nous allons manger.

Quel intérêt au jeûne intermittent ?

Désintoxication du corps

C'est l'un des arguments-phares des adeptes du jeûne. Le jeûne permettrait d'éliminer les toxines que nous accumulons lors des périodes de nutrition normales.

Je suis persuadé que le jeûne a de nombreux effets bénéfiques, mais si vous pensez que le corps a besoin d'être désintoxiqué, sachez que ce n'est basé sur aucune science, juste sur des opinions (pourquoi pas), ou de la pseudo-science. En bref, le jeûne n'est pas nécessaire pour désintoxiquer le corps, car le corps n'est pas intoxiqué en temps normal.

Il y a d'ailleurs un organe, le foie, dont le rôle est justement d'éliminer les toxines ! Si vous avez besoin de situation particulière, de faire un jeûne, d'aller prendre des produits pour vous désintoxiquer, là, il y a un problème. Il faut aller voir le médecin, parce que ça veut dire que votre foie ne fonctionne pas correctement.

Là, c'est du ressort médical, ce n'est plus du ressort du coach, que ce soit le coach remise en forme ou le coach en nutrition. Votre foie est malade, il n'est pas capable d'éliminer les toxines, ça peut être un problème très grave !

Prenez rendez vous avec un médecin le plus tôt possible, allez le voir directement même en consultation immédiate, mais ne faites pas de jeûne intermittent pour vous désintoxiquer : le jeûne intermittent ne va pas remplacer votre foie !

Jeûnez si vous voulez, mais ne vous contraignez pas à le faire pour désintoxiquer votre corps.

Perte de graisse

C'est la motivation principale de ceux qui entament le jeûne intermittent dans le domaine du fitness. Et ça marche ! Il y a trois raisons.

Restriction calorique

La première raison, c'est que le jeûne intermittent entraîne une réduction de l'apport calorique hebdomadaire d'une manière beaucoup plus tenable, et donc pérenne, qu'une réduction à chaque repas. La réduction calorique est le premier pas vers la perte de graisse, il n'y a pas de raccourcis.

Avec Eat STOP eat, supprimer deux jours de repas par semaine, sans les compenser le reste du temps, ça fait 17% de calories en moins !

Avec The Warrior diet, les trois repas traditionnels sont concentrés en un seul repas. Même si on mange plus lors de ce repas concentré que si c'était un simple dîner, il est tout de même peu probable qu'il contienne autant de calories en un service qu'il n'y en avait en trois ou quatre !

La mise sous contrôle

La deuxième raison, c'est qu'on met en place un système, et qu'en général, on suit les résultats. Le simple fait d'avoir structuré la nutrition et de le suivre entraîne des résultats. C'est la raison pour laquelle tous les régimes fonctionnent, au début. Ce qui fait la différence, ensuite, c'est que le jeûne intermittent est un système auquel on s'habitue en général assez bien, à la différence d'autres régimes alimentaires qui sont rarement tenables au-delà de quelques semaines. Cela permet de perdre de la graisse et de maintenir un poids correct. Le jeûne intermittent permet de contrôler sa composition corporelle.

La troisième raison est la modification hormonale, que nous allons voir au point suivant.

Modification hormonale

Le jeûne (intermittent ou non) entraînerait une modification de la production d'hormone. Il s'agit là surtout d'hypothèses qui demandent à être prouvées par des études de qualité. Malheureusement, dans le domaine de la nutrition, les études de qualité, réalisées avec des modalités correctes, un panel représentatif, un groupe de contrôle, un contrôle des paramètres extérieurs et un haut degré de reproductibilité sont très rares (comme dans le domaine du fitness, d'ailleurs). Nous sommes donc souvent limités à l'expérience personnelle, les observations sur le terrain et les preuves anecdotiques.

Malgré tout, il y a suffisamment de preuves anecdotiques d'amélioration de la composition corporelle, mais aussi de la résistance à l'insuline pour que nous puissions émettre l'hypothèse que le jeûne intermittent a un effet régulateur positif sur les hormones. Il s'agit cependant de corrélation, pas de preuve de cause à effet, donc nous en resterons pour le moment à une conviction personnelle.

Faut-il alors se  lancer dans le jeûne intermittent ?

La réponse est simple :  ça dépend.

Des approches telles que The warrior diet ont d'autres avantages que la perte de graisse et la régulation hormonale. C'est surtout un régime qui permet de simplifier la logistique. Un grand repas par jour, c'est moins de temps à cuisiner. C'est plus de liberté dans la journée, puisqu'on ne se contraint plus à la couper pour manger. Ca peut être aussi l'occasion de profiter de nouveau du repas, en groupe, car le repas redevient un plaisir quotidien plus qu'une obligation plusieurs fois par jour.

Une approche à la Eat STOP eat est aussi la plus simple et la moins contraignante pour réduire l'apport calorique global. Tenir une journée sans manger n'est pas très difficile après une courte période d'adaptation, et avoir 6 jours sur 7 normaux rend les choses mentalement plus faciles.

Cependant, la réalité, c'est que tous les régimes fonctionnent, à partir du moment où on suit un système.

Pour ma part, je prend un petit déjeuner (protéiné : oeuf, jambon, fromage, café - pas de sucre), et un dîner. Je ne prends généralement pas de repas supplémentaires. Je ne m'interdit pas de parfois grignoter (fruits, fruits à coques, petit en-cas), mais je n'en ressens plus le besoin.

Si vous décidez de vous lancer dans le jeûne intermittent, je vous conseille cependant de lire les ouvrages qui y sont consacrés (j'en ai listé deux, en anglais, Eat stop eat, de Brad Pilon et The warrior diet, de Ori Hofmekler) ou de vous faire accompagner par un professionnel.

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About the author 

jef

Jean-François "jef" Lopez accompagne depuis 2016 des cadres et dirigeants occupés sur le chemin de la forme durable.
Ancien sportif autour de la vingtaine, devenu gros, faible et complètement hors de forme autour de la trentaine, Jean-François a décidé de réagir et de retrouver la forme.
Lors de cette quête, il a été amené à changer son approche de la remise en forme.
De nombreuses rencontres avec les meilleurs instructeurs de la planète, dont Pavel Tsatsouline, l'ont en effet convaincu que le paradigme de la souffrance et de l'effort démesuré n'était pas le plus adapté pour durer. C'est comme cela qu'est né le concept de "forme durable".
En plus de son expérience personnelle, Il se forme continuellement, et est ainsi devenu instructeur certifié StrongFirst Elite (SFG2, SFB, SFL), spécialiste du mouvement fonctionnel et de la souplesse (FMS2, FCS, YBT, Flexible steel niveau 2), expert en respiration (instructeur avancé Oxygen advantage, praticien Buteyko) et coach en nutrition (PN).
Il est également détenteur d'une certification d'entraîneur personnel (ACE-PT, accrédité par la NCCA) et inscrit au registre européen des professionnels du sport EREPS.

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