Brûler la graisse à un endroit particulier grâce à un exercice ciblé ! C'est la promesse de la réduction spot.
Mais en pratique, est-ce que ça fonctionne vraiment ?
Le principe de la réduction spot
C'est une idée que j'ai souvent entendue, et parfois même de la part de personnes qui se disent coaches : pour perdre la graisse qui s'est accumulée à un endroit particulier, il faut faire travailler les zones de cette zone. C'est ce qu'on appelle la réduction spot (spot reduction en anglais).
C'est un fait que nous n'accumulons pas tous la graisse au même endroit. Même si la graisse se répartit partout, nous pouvons voir chez chacun de nous une tendance à l'accumuler plus à certains endroits.
Il n'y a pas de règle absolue. Chacun est différent et va accumuler la graisse différemment. Cela peut même changer au fil des années.
Toutefois, on voit quand même certaines tendances : les hommes accumulent souvent au niveau du ventre, et les femmes plutôt au niveau des fesses et des cuisses. Même avec cette généralité, gardons à l'esprit qu'il y a beaucoup de variété individuelle.
Partant de cette observation, certains coaches vont conseiller de travailler un exercice différent selon l'endroit où la graisse s'est accumulée, pour que le travail des muscles à cet endroit consomment cette graisse localement.
Typiquement, pour le ventre, le conseil est de faire des séries d'abdos.
Pour les fesses et les cuisses, le conseil est de faire des séries de squats.
Pourquoi ça ne marche pas
L'idée de la réduction est belle sur le papier. Cela parait simple et logique : si un muscle travaille, il lui faut de l'énergie. Pour générer de l'énergie, il va brûler de la graisse. Et cette graisse, il lui faut la puiser quelque part. Et ce quelque part étant juste à coté, pourquoi ne brûlerait-il pas la graisse qui est là, disponible ?
Mais en fait, le corps ne fonctionne pas comme ça...
La génération d'énergie
Je ne rentrerai pas dans les détails des filières énergétiques. Nous nous contenterons d'une présentation rapide.
Pour fonctionner, les muscles ont besoin d'énergie. Cette énergie, elle est stockée dans le corps sous forme de graisse (lipides) et de glycogène (glucides) et ce sont les principales sources d'énergie. C'est un peu comme avoir de l'énergie sur un compte en banques dans deux monnaies différentes. Mais cette énergie n'est pas directement utilisable, il faut la retirer de la banque : c'est la molécule ATP.
C'est dans des cellules bien particulières, les mitochondries, au plus proche des muscles qui travaillent, que les muscles transforment graisse et glycogène en ATP utilisable.
Jusque-là, rien ne contredit l'idée de la réduction spot.
Mais si la production d'ATP est bien locale au muscle, l'origine du carburant ne l'est pas forcément.
Le stockage et la circulation de la graisse
Puisque nous parlons de consommer la graisse, nous ne parlerons pas du cas du glycogène. Nous compliquerions inutilement la discussion, et les conclusions seront les mêmes. Restons donc au cas de la graisse.
La graisse, ce sont des lipides, des molécules d'acide gras. Il en existe de plusieurs sortes. Elle est stockée dans des cellules graisseuses, attendant d'être utilisée.
Même si ce n'est pas le propos de cet article, notons quand même que la graisse est indispensable au bon fonctionnement du corps. S'il n'est pas bon d'en stocker trop, il n'est pas non plus bon d'en stocker trop peu Typiquement, descendre en-dessous de 10% pour un homme, 15% pour une femme, n'est pas une bonne idée pour la population générale. L'effort demandé est grand, les bénéfices nuls, et on peut même commencer à voir des effets négatifs. De tels niveaux sont à réserver à certains athlètes pour des périodes limitées.
Lorsque le besoin de graisse pour produire de l'énergie se manifeste, le corps provoque la libération de graisse dans la circulation sanguine. Cette graisse est libérée sous forme précise : les triglycérides.
L'idée du ciblage
L'idée derrière le ciblage, c'est d'utilise la graisse localement. Mais outre que la graisse n'est pas la seule source d'énergie, celle-ci n'est pas sourcée localement.
Lorsque les mitochondries ont besoin de carburant pour créer de l'ATP, elles vont puiser celui-ci dans la circulation sanguine. Ainsi, lorsqu'une mitochondrie utilise de la graisse pour produire l'ATP, elle pioche les triglycérides qui sont présents dans le sang.
Ces triglycérides ne proviennent pas forcément des cellules graisseuses des environs. Elles proviennent de n'importe quelle cellule graisseuse.
Choisir un exercice ciblé pour brûler la graisse localement est donc inutile. Mais c'est pire que ça, cela peut même avoir des effets inverses à ce qu'on cherche.
Les problèmes que ça entraine
La balance énergétique
Il y a beaucoup d'approches plus ou moins efficaces pour perdre du gras. Mais au final, il y a un principe auquel on ne peut pas échapper : il faut consommer plus d'énergie qu'on en stocke ! C'est de la thermodynamique, on ne peut pas y échapper : la balance énergétique doit être négative.
Pour cela, nous avons deux leviers : diminuer les apports (sans pour autant générer des carences), et augmenter la dépense, notamment avec de l'exercice.
Lorsque nous décidons de pratiquer des exercices ciblés, ce sera souvent très local, n'engageant qu'une poignée de muscles. La dépense énergétique total est bien moindre qu'en pratiquant des exercices complet, engageant au maximum la musculature du corps entier.
Cette concentration sur une zone nous amène à dépenser beaucoup moins d'énergie. Cela rend difficile d'atteindre une balance négative, et donc à perdre du gras.
Peu de renforcement
L'autre inconvénient de ces pratiques ciblées, c'est que l'idée étant de consommer la graisse locale, on a tendance à faire des séries relativement peu intenses, mais longues. Nous avons déjà vu que cette approche locale ne permettait pas de dépenser autant d'énergie qu'une approche globale. Mais en plus, la faible intensité ne permet pas non plus de vraiment renforcer le corps.
On souffre, mais sans résultats tangibles.
Risque accru de blessure
Ici, c'est bien plus grave. Comme on va souvent favoriser des séries longues, le risque de blessures s'accroit. Il ne s'agit pas forcément de blessures soudaines, mais plutôt de blessures dues à la répétition d'un mouvement pour beaucoup de répétitions : douleurs articulaires, tendinites, etc.
Conclusion
La réduction spot est une belle idée sur le papier, mais en pratique, ça ne fonctionne pas. Le corps ne puise pas ses sources d'énergie localement, mais globalement. En plus, cette approche ne nous permet pas d'atteindre facilement une balance énergétique négative (nécessaire pour perdre du gras), ne permet pas un renforcement des muscles et favorise les blessures.
C'est une approche qui est non seulement inefficace, mais en plus contre-productive, produisant les effets contraires à ce qu'on recherchait.