Entraînement de respiration : poumons vides ou poumons pleins ?

La question m'a été posé par un lecteur des Nouvelles du gymnase.

"Est-ce que l'hypercapnie se travaille plus par la rétention des poumons pleins ou des poumons vides ?"

Comme la réponse n'est pas évidente ni particulièrement simple, j'ai décidé d'écrire un article sur le sujet pour clarifier ce point.

Dans le travail respiratoire, faut-il privilégier les poumons pleins, ou les poumons vides ? Pourquoi ? Quel est le meilleur, dans quelles circonstances ?

Pourquoi entraîner sa respiration ?

Il y a beaucoup de raisons de travailler sur sa respiration, et nous voyons ici deux raisons principales.

Retrouver la fonctionnalité (volume ventilatoire)

La première raison, vraiment fondamentale, c'est pour retrouver une respiration fonctionnelle. Nous vivons dans un monde où, avec les habitudes de la vie moderne, la baisse des activités physiques, il est fréquent de ne plus avoir une respiration fonctionnelle.

Une respiration non fonctionnelle est une respiration qui ne ne remplit plus ses les fonctions physiologiques correctement.

On l'observe facilement dans la rue, beaucoup de gens respirent vitebruyamment, par la bouche.

Le premier objectif d'un entraînement de la respiration, c'est de retrouver cette fonctionnalité, que la respiration assure ses fonctions, et notamment bien oxygéner nos cellules.

Améliorer forme et santé

Une deuxième raison, pour ceux qui veulent aller plus loin, c'est d'avoir une meilleure la forme et une meilleure santé.

La forme va s'améliorer parce qu'une meilleure respiration permet d'avoir plus de souffle, donc plus d'endurance, ou encore d'avoir une respiration qui est moins coûteuse énergiquement. Si on va même un peu plus loin, certains exercices nous permettent de récupérer beaucoup plus vite pendant et après l'exercice physique. Certaines techniques nous permettent de contrôler notre état émotionnel.

Nous pouvons aussi améliorer notre santé, parce que des entraînements spécifiques ont un effet anto-oxydants, permettant à notre corps de fonctionner au mieux et plus longtemps.

Deux types d'entraînement principaux et complémentaires

Pour atteindre ces deux objectifs généraux, nous avons deux types d'entraînements principaux. Ce ne sont pas les seuls types d'entraînement, mais ce sont ceux qui suffisent à la plupart des situations et des personnes. Ils sont en plus très complémentaires l'un de l'autre.

Et ce sont ces deux types d'entraînement pour lesquels la question "poumons pleins ou poumons vides" est la plus pertinente.

L'entraînement hypercapnique

Le premier type d'entraînement est ce qu'on appelle entraînement hypercapnique.

L'hypercapnie désigne un état physiologique où la concentration de CO2 dans le sang est supérieure à sa valeur normale.

Un entraînement hypercapnique revient à volontairement augmenter la quantité de CO2 dans le sang.

Mais pourquoi augmenter le niveau de CO2 ?

Le CO2 est souvent, à tort, considéré comme un simple gaz déchet, un résidu de la respiration cellulaire qu'il faut éliminer au plus vite. C'est pourtant un gaz extrêmement important pour le bon fonctionnement du corps humain et, paradoxalement, pour bien oxygéner les cellules.

Comme expliqué plus en détail dans l'article sur l'effet Bohr, un déficit de CO2 entraîne une moins bonne oxygénation des cellules. Cela déclenche aussi un cercle vicieux où moins de CO2 entraîne une respiration plus volumineuse, qui à son tour entraîne une réduction de la quantité de CO2 dans le sang.

L'entraînement hypercapnique vise à réhabituer notre corps, progressivement, à tolérer une concentration correcte de CO2.

L'entraînement hypoxique

Le deuxième type principal d'entraînement respiratoire est l'entraînement hypoxique.

Là où l'entraînement hypercapnique cherche à augmenter le niveau de CO2, l'entraînement hypoxique vise à volontairement, sous contrôle et pour une période courte, à dé-saturer le sang en oxygène.

Ce type d'entraînement est à suivre quand on est dans une recherche de performance sportive et de santé améliorée. C'est une approche avancée que nous réservons à des gens qui ont déjà retrouvé une respiration fonctionnelle.

Comment pratiquer l'hypercapnique

La manière la plus simple et la plus directe de pratiquer l'entraînement hypercapnique, c'est d'avoir des sessions dédiées de réduction ventilatoire.

Séances dédiées

Lorsqu'on se lance sur la route de retrouver une respiration fonctionnelle, c'est en général parce qu'on s'est écarté de cette respiration fonctionnelle. J'en sais quelque chose, je suis passé par là comme beaucoup d'entre nous !

Pour pouvoir inverser le cercle vicieux, il faut réussir à mettre en place un cercle vertueux. Alors qu'avec notre respiration fonctionnelle, nous ventilions plus, entraînant ainsi un déficit de CO2 qui augmentait d'autant plus notre volume ventilatoire, nous voulons maintenant augmenter le CO2 et nous ré-habituer à tolérer un niveau plus élevé.

Lors de sessions dédiées, nous pouvons vraiment nous concentrer sur un exercice pendant une durée suffisamment longue pour que nos baro-récepteurs se réinitialisent.

Evidemment, ça n'arrive pas d'un coup, c'est progressif, et cela demande beaucoup de sessions.

Pour pouvoir reprogrammer nos récepteurs et notre cerveau, il faut des durées d'au moins 10 minutes, et sans stress.

C'est ici la difficulté : nous allons réduire notre volume de ventilation jusqu'à avoir une légère sensation de suffocation (qui est due à l'augmentation de CO2 dans le sang). Cette sensation doit être présente, puisque c'est elle qui nous prouve que notre niveau en CO2 a augmenté, mais pas trop forte non plus, sinon nous allons être stressé et tendu. Le stress et la tension vont empêcher de reprogrammer nos récepteurs.

Trouver cette limite entre trop et trop peu est difficile. C'est là l'importance d'être accompagné par un coach compétent.

Intégration à la vie de tous les jours

AU bout d'un certain temps, lorsque nous avons réussi à inverser le cercle, le faisant passer de vicieux à vertueux, il faut intégrer la pratique hypercapnique à la vie quotidienne.

C'est ce que je fais avec mes élèves. Initialement, ils doivent trouver du temps pour pratiquer les exercices. Il n'y a pas de raccourci.

Mais lorsque les progrès surviennent, nous sommes capables de trouver toutes les occasions de pratiquer des respirations réduites, dans la vie quotidienne, sans provoquer de stress.

Hypercapnie à poumons pleins ou poumons vides ?

Alors, du coup, poumons pleins ou poumons vides ?

En fait, dans le cadre d'un entraînement hypercapnique, ce n'est ni l'un, ni l'autre.

Nous n'allons pas chercher à remplir nos poumons ! C'est une erreur qui se présente souvent, justement. Lors de l'entraînement hypercapnique, certains décident de ralentir la respiration, pensant ainsi réduire le volume ventilatoire. Le souci, c'est qu'on observe souvent une compensation avec un volume à chaque cycle plus important, grace à une grande inspiration. A la fin de la minute, le volume d'air qui est passé par les poumons est le même. Nous n'augmentons pas le CO2. L'entraînement n'est pas hypercapnique. Donc on ne va pas essayer de remplir les poumons.

Nous ne voulons pas non plus les vider complètement. Le but est de réduire le volume de ventilation sur une certaine période de temps. Imaginons un cycle de respiration : inspiration, expiration, pause éventuelle. L'expiration est normale, sans stress. Nous ne la poussons pas au-delà. Il y a toujours une quantité d'air résiduelle lors d'un cycle de respiration normal, et cet air va rester pendant notre entrainement.

Pour réduire le volume, nous pouvons :

  • ralentir le rythme sans augmenter le volume,
  • diminuer le volume d'inspiration sans changer le rythme,
  • allonger la pause après l'expiration,
  • une combinaison de tout cela.

Dans le cadre d'un entraînement hypercapnique, finalement la question "poumons pleins ou poumons vides ?" ne se pose pas vraiment, parce qu'on va avant tout se concentrer sur la réduction du volume total de respiration, et pas sur le remplissage ou le vidage des poumons.

Comment pratiquer l'hypoxie

Comment va-t-on pratiquer l'entraînement hypoxique ?

Nous voulons réduire la saturation en oxygène. Pour cela, il faut faire en sorte que nous consommions de l'oxygène, ce que nous faisons tout le temps, mais que nous n'en apportions pas de nouveau.

Les apnées

Un moyen extrêmement simple, c'est de ne plus respirer ! Nous allons réaliser des apnées.

Nous arrêtons de respirer : il n'y a pas d'apport d'oxygène.

L'oxygène est toujours consommé, la saturation va baisser.

Cette apnée, à quel moment la faire pour un entraînement hypoxique ?

Il y a des approches de respiration qui demandent des apnées après une grande inspiration. Elle se réalise ainsi poumons pleins.

Notre approche est plutôt de vider les poumons.

Alors, quelle est la bonne solution ?

Tout dépend du contexte !

Notre objectif ici est de baisser la saturation en oxygène. Si nous démarrons l'apnée poumons pleins, il n'y a pas de doutes que nous pourrons tenir plus longtemps. Mais ce n'est pas le but. Le but est de baisser la saturation en oxygène, même si nous ne tenons pas aussi longtemps.

Encore une fois, tout est question de contexte. Par exemple, en entrainement de plongée en apnée (justement...), certaines exercices d'apnée se font poumons pleins. Mais le but, dans ce cas, est de pouvoir tenir plus longtemps, pas d'atteindre l'hypoxie.

Nous voulons un entraînement hypoxique, pour améliorer nos capacités sportives, notre souffle, notre santé, à lutter contre les oxydants...

Hypoxie à poumons pleins ou poumons vides ?

Notre objectif est de réduire la quantité d'oxygène !

Or, si nous commençons l'apnée poumons pleins, nous créons une réserve d'air, donc d'oxygène. Nous allons pouvoir tenir l'apnée plus longtemps, mais peut-être pas baisser la saturation en oxygène. En plus de ça, lorsque nous remplissons, les poumons, nous augmentons la pression dans les poumons et ainsi augmenter l'infusion d'oxygène dans le sang, retardant d'autant une éventuelle hypoxie.

Nous n'allons donc pas chercher à remplir les poumons !

Nous n'allons pas non plus être en apnée poumons complètement vides.

Nous pouvons en fait parler de poumons vides, parce que nous allons faire cette apnée après une expiration, mais ce sera dans la plupart des cas, dans notre contexte, une expiration normale. Nous inspirons activement, nous expirons passivement, et à la fin de l'expiration normale, nous passons en apnée.

Donc les poumons sont vides, dans le sens l'apnée commence après l'expiration, mais ils ne sont pas vides dans le sens où il y a toujours une quantité d'air résiduelle. Nous ne voulons pas générer de tension. Si nous vidons complètement les poumons, en forçant l'expiration au-delà de l'expiration naturelle, nous aurons mis de la tension, ce que nous voulons éviter.

Donc à la question "poumons vides ou poumons pleins ?" pour le travail en hypoxie, la réponse est ni l'un, ni l'autre,  de manière stricte, mais nous tendons tout de même plutôt vers poumons vides, puisque l'apnée a lieu après une expiration normale.

Pour aller plus loin

Devriez-vous pratiquer des exercices hypercapniques ou hypoxiques ?

En fait, avant de décider, il faut se poser la question de l'objectif. La plupart des gens pourraient se contenter des exercices hypercapniques. C'est ce qui va leur permettre de retrouver une respiration fonctionnelle, avec tous les bénéfices qui en découlent.

Les exercices hypoxiques seront réservés à ceux qui veulent encore plus améliorer leur respiration, améliorer leurs performances sportives et bénéficier du "bon stess" et de ses effets anti-oxydants.

Mais en premier lieu, posons-nous la question de là d'où nous partons. 

Evaluation avec le test de la pause de contrôle

L'idéal serait de mesurer la pression partielle de CO2 dans le sang, mais ce n'est pas une solution très pratique... surtout si on veut le faire tous les jours pour suivre ses progrès !

C'est pour cela qu'a été mis en place un test qui est une bonne estimation de notre sensibilité au CO2. C'est le test dit de la pause de contrôle.

Pour des instructions plus précises, en vidéo, pour réaliser correctement ce test et interpréter les résultats, cliquez sur le bouton ci-dessous.

Retrouver un volume normal de respiration (exercices hypercapniques)

Nous voudrons retrouver un volume normal de ventilation. Pour cela, il va falloir ré-éduquer notre système nerveux et recalibrer nos baro-récepteurs.

Ce sont des exercices hypercapniques. Pendant une période précise, suffisamment longue pour qu'il y ait un recalibrage, nous allons volontairement diminuer notre volume de respiration, à la limite de la sensation de suffocation. Cela va augmenter le taux de CO2 (hypercapnie) et ré-habituer notre système nerveux à tolérer plus de CO2 dans le sang.

La difficulté consiste à trouver le bon équilibre entre trop de sensation de suffocation (d'où du stress et pas de recalibrage) et pas assez (car cela n'a aucun effet).

Le coaching prend toute sa valeur ici.

Pratiquer des exercices hypoxiques

Il s'agit d'une pratique optionnelle et réservée à ceux qui ont déjà retrouvé une respiration fonctionnelle (pause de contrôle supérieure à 25 secondes).

Les exercices hypoxiques sont des exercices où nous réduisons volontairement la saturation en oxygène dans la sang. Cela entraîne tout un tas de phénomènes de compensation positives pour le corps : capacité aérobie accrue, meilleure capacité anti-oxydante, etc.

Toutefois, ici, la dose fait le poison, et il n'est pas envisageable de pratiquer ces exercices sans être accompagné par un professionnel.

Coaching en respiration

Pour améliorer votre respiration, vous pouvez immédiatement commencer en mesurant votre pause de contrôle et en observant votre respiration. Il n'y a pas de contre-indication, c'est sans danger.

Pour ceux qui veulent aller plus loin, plus vite et plus efficacement, commencer des exercices hypercapniques est nécessaire. Toutefois, il ne faut pas se lancer sans savoir ce qu'on fait, i y a des précautions à prendre. Les contre-indications des exercices les plus doux sont rares, mais existent.

La respiration est l'un des cinq aspects à prendre en compte pour une forme durable de mon système 5-3-4. Tous les élèves de mon groupe de coaching l'intègre à leur plan d'entraînement global.

J'ouvre toutefois de temps en temps des sessions de coaching individualisées, pour ceux qui veulent uniquement se consacrer à la respiration.

Contactez-moi par email pour en savoir plus.

La Respiration cadencée

Un coaching en face-à-face peut être intimidant, contraignant ou tout simplement en dehors de vos moyens du moment. J'ai créé pour cela une formation en ligne, te permettant de démarrer en toute sécurité les exercices de respiration qui te permettra de retrouver une respiration fonctionnelle... et même d'aller au-delà !

Pour ceux qui voulaient retrouver une respiration fonctionnelle, à leur rythme et sans dépendre d'un instructeur en face-à-face, j'ai créé en 2018 le cours en ligne Respirer moins pour respirer mieux. Il était principalement axé sur la reconquête d'une respiration fonctionnelle, avec un programme étalé sur 6 semaines et incluait également les exercices d'Oxygen advantage®. Il a permis a de nombreux pratiquants de reprendre le contrôle de leur respiration.

Suite aux nombreux retours que j'ai eu, j'ai finalisé une version revue, enrichie et améliorée de ce cours, que j'ai lancée le mardi 14 décembre 2021, la Respiration cadencée.

C'est un programme complet qui va au-delà de la phase de respiration fonctionnelle en rajoutant une phase de normalisation et une phase présentant la boîte à outils complètes de la respiration.

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About the author 

jef

Jean-François "jef" Lopez accompagne depuis 2016 des cadres et dirigeants occupés sur le chemin de la forme durable.
Ancien sportif autour de la vingtaine, devenu gros, faible et complètement hors de forme autour de la trentaine, Jean-François a décidé de réagir et de retrouver la forme.
Lors de cette quête, il a été amené à changer son approche de la remise en forme.
De nombreuses rencontres avec les meilleurs instructeurs de la planète, dont Pavel Tsatsouline, l'ont en effet convaincu que le paradigme de la souffrance et de l'effort démesuré n'était pas le plus adapté pour durer. C'est comme cela qu'est né le concept de "forme durable".
En plus de son expérience personnelle, Il se forme continuellement, et est ainsi devenu instructeur certifié StrongFirst Elite (SFG2, SFB, SFL), spécialiste du mouvement fonctionnel et de la souplesse (FMS2, FCS, YBT, Flexible steel niveau 2), expert en respiration (instructeur avancé Oxygen advantage, praticien Buteyko) et coach en nutrition (PN).
Il est également détenteur d'une certification d'entraîneur personnel (ACE-PT, accrédité par la NCCA) et inscrit au registre européen des professionnels du sport EREPS.

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