La cohérence cardiaque est, de toutes les méthodes de respiration, la plus simple à mettre en place. Du moins en apparence. Les instructions sont simples, claires et précises.
Les bénéfices de cette respiration sont bien documentées, et validées tant par l'expérience que par les études.
Pourquoi alors beaucoup n'obtiennent pas les résultats espérés ?
A quoi ça sert, la cohérence cardiaque ?
La pratique des exercices de cohérence cardiaque a un effet régulateur sur le système neveux autonome. A court terme, l'exercice a un effet calmant.
A moyen et long terme, les effets sur la santé et le bien-être sont nombreux et bien documentés : meilleur équilibre hormonal, amélioration des capacités cognitives, baisse de l'hyper-tension, amélioration du souffle, diminution des crises d'asthme, meilleure récupération, meilleur profil sanguin...
Cela semble magique et on se demande, si c'est si simple, pourquoi est-ce que tout le monde ne la pratique pas, et surtout, pourquoi tout le monde n'obtient pas les résultats ?
En fait, c'est parce qu'on brûle les étapes. Conseiller à quelqu'un de pratiquer la cohérence cardiaque, c'est comme conseiller à quelqu'un d'aller courir 10 km sans s'être assuré qu'il sait courir et a suffisamment d'endurance pour ça. En respiration, il faut déjà avoir assuré la fonctionnalité bio-chimique.
Pourquoi parle-t-on de cohérence ?
On parle de cohérence cardiaque lorsque le corps atteint un équilibre optimal entre les deux modes du système nerveux autonome. Cet équilibre explique le terme de cohérence. Quant au rôle du coeur là-dedans, c'est parce qu'une mesure particulière du rythme cardiaque permet de savoir si on a atteint cet état.
Pour bien comprendre ce que cela signifie, il nous faut nous pencher sur notre système nerveux.
Système nerveux : le conscient et l'inconscient
De manière générale, notre système nerveux se compose de deux grandes branches.
Le système nerveux somatique est le système conscient. Nous le contrôlons par la pensée. C'est nous qui, consciemment, décidons de bouger un bras ou tourner la tête.
Le système nerveux autonome est contrôlé indépendamment de notre volonté. Il régule tout un tas de fonctions qui n'ont pas besoin de notre esprit pour fonctionner, tels que le rythme cardiaque, la circulation du sang, la digestion, etc. Et heureusement ! Imagine devoir constamment penser à faire battre notre coeur ou digérer nos aliments...
Le système nerveux autonome est là pour nous permettre de survivre sans monopoliser notre pensée. Et du coup, pour la survie, il doit se décomposer en deux branches : une branche du court-terme, et une du long-terme.
Système nerveux autonome sympathique
Le système nerveux autonome sympathique est le mode du court terme, de la survie immédiate. Il est aussi appelé mode "fuite ou combat", ou "flight or fight".
Lorsque ce mode est activé, le coeur bat plus vite, la digestion s'arrête, certaines hormones sont produites. Nous sommes armés pour un objectif à très court terme : attraper ce lapin pour le repas du soir, ou éviter de servir de repas à ce tigre à dent de sable.
C'est le mode du stress.
Le stress, à court terme, c'est très bien. C'est ce qui nous permet de survivre. Quand il dure, par contre, c'est un problème...
Système nerveux autonome parasympathique
Le système nerveux autonome parasympathique est le mode du long terme. C'est le mode du repos et de la récupération.
Lorsque ce mode est favorisé, le coeur bat plus lentement, la digestion reprend, le corps récupère, la libido s'envole. Il permet de faire tenir le corps plus longtemps, en le réparant si besoin, et en lui permettant de récupérer.
Idéalement, nous sommes en équilibre entre ces deux modes. Nous ne devrions pas vivre en stress permanent. Mais être tout le temps en mode de repos n'est pas bon non plus.
Le lien entre le rythme cardiaque et le système nerveux autonome
Si, à l'évidence, le coeur bat plus vite en mode sympathique qu'en mode parasympathique, ce n'est pas la caractéristique la plus importante. Une telle mesure ne nous dit pas grand chose sur le mode privilégié. Entre deux individus avec un rythme de 80, l'un est peut-être au repos alors que l'autre est déjà en mode de stress et d'attention, mode sympathique pleinement activé.
Heureusement, il y a une mesure qui nous renseigne plus.
La variabilité de la fréquence cardiaque (VFC)
Depuis maintenant plusieurs années, la mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC, ou HRV en anglais, Heart rate variability) a révolutionné le suivi des sportifs de haut niveau. En effet, le suivi de la variabilité permet de savoir quel est le mode favorisé à un moment donné. Cela permet de savoir si un sportif a besoin de plus de récupération ou pas. On est ainsi capable d'optimiser sa quantité d'entraînement, et donc ses progrès.
En effet, lorsque nous sommes en mode sympathique, en mode d'urgence et de survie à court-terme, il n'y a plus de place pour l'improvisation. Les hormones du stress ont été libérés, nous rendant beaucoup plus vifs. Le coeur a accéléré pour augmenter la circulation sanguine. Et il bat extrêmement régulièrement. La durée entre deux battements de coeur ne varie pratiquement pas. Tout est focalisé sur l'efficacité immédiate, pas de temps pour des ajustements de détail. La variabilité cardiaque est faible.
A l'opposé, lorsque nous sommes en mode para-sympathique, tout danger à court terme est écarté. Le corps peut se reposer, se régénérer, digérer, récupérer. Le coeur bat plus lentement, mais en plus, il s'adapte, à chaque instant, à la demande physiologique. L'intervalle entre deux battements n'est pas parfaitement régulier, parce qu'il peut se permettre de ne pas l'être. La variabilité cardiaque est élevée.
On parle ici d'une variation faible. C'est de l'ordre de fractions de secondes.
Ce qui est intéressant, c'est que la VFC est assez simple à mesurer, même pour un particulier. Il suffit d'avoir une ceinture de poitrine (pour la précision de la mesure) et d'une application sur un smartphone, et tu sauras si tu es plutôt en mode sympathique ou parasympathique.
L'influence de la respiration
La mesure de la VFC nous donne donc une bonne indication du mode de notre système nerveux autonome. Mais quel est le lien avec la respiration ?
La respiration est la seule activité physique qui est contrôlée à la fois consciemment et inconsciemment. Nous n'avons pas besoin de penser à respirer : cela arrive tout seul. Mais nous pouvons aussi décider de ne plus respirer, d'accélérer le rythme, de contrôler complètement la respiration.
En reprenant les termes techniques ci-dessus, la respiration est contrôlée à la fois par le système nerveux somatique et le système nerveux autonome.
L'implication immédiate est qu'en contrôlant la respiration, on peut contrôler des fonctions normalement inaccessibles consciemment. On peut aussi activer ou inhiber le système nerveux central avec la respiration, c'est à dire favoriser l'un des deux modes, sympathique ou parasympathique.
En particulier, l'inspiration (active) tend à favoriser le mode sympathique, et l'expiration (passive) le mode parasympathique.
Si la cohérence cardiaque peut être obtenue de plusieurs manières, la respiration en est le moyen le plus simple et le plus direct. C'est pourquoi l'exercice de respiration permettant d'atteindre cet état est souvent appelé lui même, par abus de langage, cohérence cardiaque.
En pratique
Equilibrer sympathique et parasympathique
Notre but étant d'équilibrer les deux modes grâce à la respiration, la solution semble simple : il faut inspirer et expirer de manière égale. C'est en tout cas l'approche qui est présentée le plus souvent.
La méthode 3-6-5
En particulier, la méthode la plus simple à mettre en place est la méthode 3-6-5 : 3 fois par jour, respirer 6 cycles par minutes pendant 5 minutes.
Il suffit donc de s'assoir, d'inspirer 5 secondes, expirer 5 secondes, pendant 5 minutes et tout ira bien. Les émotions se calment, le système nerveux autonome s'équilibre, et tous nos problèmes sont résolus.
Pourquoi ça ne marche souvent pas
Comme certains aiment ne lire que les titres sans les explications, je précise tout de suite : oui, la méthode 3-6-5 est une très bonne méthode ! Pour ceux qui peuvent l'appliquer...
En effet, la méthode demande un rythme de 6 cycles par minute. Il se trouve que c'est rythme idéal pour plusieurs raisons.
Des études montrent qu'au repos, le taux d'oxygénation maximale est atteint avec ce rythme. Plus vite ou plus lentement, c'est moins efficace. D'un point de vue physiologique, c'est déjà bien !
Ensuite, on observe que le nerf vague est stimulé aussi par cette fréquence. Or ce nerf vague va favoriser le mode parasympathique, qui nous permet de trouver cette sensation de calme.
Pourtant, j'ai eu souvent des élèves qui sont venus me voir après échoué avec cette méthode.
Et oui, le problème, c'est que leur respiration, au départ, n'était pas fonctionnelle du point de vue bio-chimique ! Leur Pause de contrôle était en dessous de 15 secondes. Leur rythme habituel de respiration était de plus de 12 à 15 cycles par minute.
D'un seul coup, ils doivent respirer au minimum deux fois moins vite...
A ce moment-là, deux scenarii possibles.
Le premier, c'est qu'un tel ralentissement les amène à légèrement suffoquer, à manquer d'air. Ils stressent et sont donc constamment en mode sympathique. Pas d'équilibrage !
Le deuxième, c'est que pour compenser ce manque d'air, ils inspirent plus à chaque cycle. Ils favorisent l'inspiration et passent en mode sympathique.
Les objectifs de la respiration 3-6-5 ne peuvent pas être atteints, même si de l'extérieur, tout paraissait correct, avec ces 6 cycles par minute en 5 minutes.
La solution
Ne perdons pas espoir.
Il suffit de retrouver une respiration suffisamment fonctionnelle pour pouvoir pratiquer efficacement cette méthode.
Ne pas brûler les étapes !
Le plus important est de comprendre les trois dimensions de la respiration. La dimension biochimique correspond à l'équilibre des gaz dans le sang. C'est la première à corriger (j'explique pourquoi ici : effet Bohr).
La dimension biomécanique correspond au bon usage des muscles respiratoires. Une dysfonction ici est souvent naturellement corrigée lorsque la dimension biochimique est ré-éduquée correctement.
La dimension psycho-physiologique est celle qui fait le lien entre le conscient et l'inconscient, le système somatique et le système autonome, l'équilibre sympathique-parasympathique. On est là en plein dans l'exercice de la cohérence cardiaque. C'est efficace...
...il faut juste s'être assuré que les deux autres dimensions sont fonctionnelles.
Comment s'assurer de la fonctionnalité de la respiration (dimension biochimique)
Avant de te mettre à la cohérence cardiaque, assure-toi que tu n'hyperventiles pas, et que tenir des cycles de 10 secondes ne sera pas une difficulté physiologique pour toi.
Pour cela, rien de plus simple : passe le test de la Pause de contrôle. J'explique en vidéo comment faire, il te suffit de cliquer sur le bouton ci-dessous.
Quel rapport avec la cohérence cardiaque ?
Bonjour Danièle. Je ne comprends pas bien la question. L’article et la vidéo mentionnent la Cohérence cardiaque, comme une approche (très connue) de respiration.
Merci pour cette explication claire. Comment fait-on pour acquérir les pré-requis à la cohérence cardiaque ?
Laurent, la première étape, c’est de tester sa respiration. Si la respiration est fonctionnelle du point de vue biochimique, la cohérence cardiaque est accessible.
Pour le savoir, le mieux est de passer le test de la Pause de contrôle (j’envoie le lien de la vidéo explicative par email en cliquant sur le bouton en bas de l’article). Après le test, je propose un petit cours gratuit de 4 vidéos qui donne quelques pistes et actions simples à mettre en place.
Bonjour, merci pour toutes ces précisions importantes et éclairantes.
Question personnell : mon rythme cardiaque est perturbé par des extrasystoles ventriculaires (pas de traitement médical nécessaire) et lorsque je mesure mon pouls au repos je suis souvent autour de 35 – 40 battements/mn. Les extrasystoles disparaissent totalement à l’effort. Est ce que la pratique de la cohérence cardiaque est pertinente dans mon cas et si oui à quelles conditions ? (j’ai posé la question à un cardiologue qui n’a pas souhaité explorer cette possibilité…).
Merci d’avance
Bonjour Magali.
Le cas des extrasystoles ventriculaires est trop général pour donner une réponse absolue. En effet, elles sont assez fréquente, même chez des personnes en bonne santé, chez qui elles peuvent être liées au stress. Dans ce cas, on peut imaginer qu’une pratique respiratoire apaisante, comme la cohérence cardiaque, peut aider, en apprenant à réduire son niveau de stress.
Pour des cas particuliers, toutefois, je ne me prononce pas et je laisse la main au cardiologue pour explorer ou non cette voie.
Merci beaucoup pour cette réponse Jef. Bonne continuation 🙂